Les travaux du moment à la ferme
Nous revoilà, après cette période de pause de la gazette ! Nous espérons que l’été a été bon pour vous, malgré un temps parfois… typiquement finistérien.
Pour commencer, une petite information d’actualité : notre site internet a été tout l’été en révision, mais le voilà très bientôt de retour. Il sera possible d’y retrouver les archives des anciennes gazettes à consulter en ligne, les actualités habituelles, galeries photos et informations diverses… Nous avons fait appel aux services de Chloé de « Sire Cui court », webdesigneuse militante qui met au point des sites internet pour les agriculteurs en vente directe. On espère que, comme nous, vous serez contents du résultat !



En ce qui concerne les principaux travaux de la rentrée : le mois de septembre a vu se dérouler plusieurs grands chantiers de récolte.
Les pommes de terre, les oignons et les courges doivent être tous récoltés au bon stade et en conditions météo optimales. Il en va du bon déroulement du stockage. Il serait dommage de retrouver une caisse de légumes invendable à cause d’une seule pomme de terre/courge/oignon pourrie !
Pour les pommes de terre, nous avons reçu un grand coup de main en revivant « un devezh vras » d’antan, le grand jour de récolte des patates. Amis, famille et quelques-unes/uns d’entre vous sont venus apporter leur aide pour ce chantier participatif. Merci à toutes et à tous ! A noter que malgré notre sélection de variétés tolérantes au mildiou, la météo n’a pas épargné la culture. Le mildiou a pointé le bout de son nez un peu tôt, nous obligeant à broyer les fanes de pommes de terre afin de protéger les précieux tubercules. Cette opération a cependant stoppé l’augmentation de calibre, nos patates 2021 sont donc un peu plus petites que les années précédentes. C’est surtout marqué sur la variété rose « désirée », un peu moins sur les jaunes et délicieuses « Allians ».
Les pommes de terre, oignons, échalotes et courges sont désormais récoltés et stockés, une bonne chose de faite !
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Globalement, nous sommes assez satisfaits des récoltes estivales, et même si les conditions météos n’ont pas été vraiment optimales pour les légumes d’été, nous avons tout de même réussi à obtenir de belles quantités de tomates.
Les nouvelles cultures lancées cette année (melon vert « Ogen » et pastèques « Sugar baby ») ont eu du succès auprès de vous. Cela nous incite à retenter l’expérience l’an prochain !


Le reste de l’été a été dévolu aux éternelles opérations de désherbage, binages et buttages des cultures d’automne et d’hiver (choux, poireaux).


Nous avons également lancé nos derniers semis de l’année : radis noir et navets violets en ce qui concerne le plein champ, mâche, fenouil, laitues et épinards pour les cultures d’hiver sous abri.
Pour information, cette dernière culture fait l’objet d’un test de comparaison entre culture sur paillage plastique (toile tissée), et culture sur sol nu. Nous avons fait une planche avec chaque modalité et allons comparer leur résultat. Pour l’instant, il ne semble pas que l’on gagne en précocité avec un paillage plastique, qui en théorie contribue à réchauffer plus vite le sol. Et en ce qui concerne la gestion de l’enherbement, la modalité sur sol nu se révèle à peine plus chronophage, grâce à une herse étrille manuelle bien pratique. Donc à voir, mais si ça se confirme, le plastique ce n’est pas si fantastique !


Enfin, pour maitriser l’enherbement de nos talus et zones enfrichées, nous avons décidé d’acquérir des tondeuses/débrousailleuses de choc, garanties 100% bio et qui ne nécessitent ni essence ni gasoil !
Nous sommes donc heureux de vous présenter nos deux nouveaux boucs de race chèvre des fossés et chèvre alpine : « Kervouyec » (du nom de son ancien domicile à Quimper) et « Bouc-maison » (nommé par notre fille, à la suite d’un processus cérébral parfaitement mystérieux).


Oyé ! Oyé! Le petit incident de confusion poivrons longs / piments est désormais réglé !Nous avons pris le mors aux dents pour goûter un à un tous les plants de poivrons, afin d’identifier les plants de piments coupables. Enfin quand je dis “nous”, c’est moi, Anne, puisque Yann est radicalement intolérant à tout ce qui est de près ou de loin épicé. En bout de rang et un peu étonnée, après trois plants identifiés très légèrement relevés (« ce n’est quand même pas de ça dont nos clients parlaient, on sent à peine la différence ? ») je croque sans retenue dans un dernier poivron test. Je vous épargne le reste de la bande-son qui en suivit, largement remplie de mots qui n’auraient pas leur place dans une gazette convenable, sachez juste que Yann m’a vu sortir de la serre en courant et en agitant frénétiquement les bras en l’air. J’ai mis une demi-heure à m’en remettre, donc je vous rassure : problème résolu et plant de piment désormais entouré d’un périmètre de sécurité SEVESO !
Les legumes du mois
- Légumes que vous pouvez trouver sur l’étal : dernières tomates et derniers concombres, aubergines, pastèques, poivrons, betteraves rose et rouge, salades, épinards, choux rouges, choux fleurs, carottes, panais, oignons roses, jaunes et rouges, ail, échalotes, potimarrons, pommes de terre (Allians et Désirée), poireaux.
- Légumes à venir prochainement : blettes, courges « butternut » et « delicata », radis, navets collet violet et radis noir.

Agri-culture
L’été ayant été relativement humide, une des problématiques les plus présentes a été la gestion des mauvaises herbes et plus généralement de la végétation dans la parcelle.
Nous souhaitions vous faire part de quelques réflexions que nous avions eues à ce sujet. Les années précédentes, nous avions été assez rigoureux sur le passage du broyeur pour tondre toutes les zones herbeuses de notre parcelle de manière fréquente. L’idée étant d’y voir clair dans nos jardins de culture et, inconsciemment, nous étions guidés par cette idée diffuse du « ça fait plus propre ».
Cette année, nous avons eu moins de temps à dévouer à cette tâche car nous disposions de moins de force de travail sur la ferme (Anne n’étant pas à 100% de son efficacité avec son ventre;). A cela nous avons ajouté la plantation d’une bande fleurie, et nous avons laissé un champ de phacélie monter en fleurs (met de choix pour les pollinisateurs).
Finalement, notre conclusion est que nous avons gagné du temps sur une tâche qui n’était pas forcément indispensable, et nous avons observé une présence plus importante d’insectes tout autour de nos jardins de culture ainsi que dans les serres. Sauterelles/criquets, papillons et autres pollinisateurs ont joyeusement bourdonné tout l’été à Kergwenn. On peut tout à fait supposer que le reste de la chaîne alimentaire y a aussi trouvé son compte.
Dans les serres, nous avons remarqué la présence nombreuse de chrysopes, petits insectes auxiliaires des cultures. Et nous avons pu remarquer l’absence de prolifération de pucerons ou autre ravageur sur nos légumes, contrairement à d’autres collègues qui en pâtissent régulièrement. Il serait trop simple de tirer des conclusions sur une seule année d’expérience, mais nous sommes convaincus qu’une gestion raisonnée des zones enherbées contribue à créer une réserve vive de biodiversité, qui, si on la laisse tranquille, se déploie d’une année sur l’autre. Cela évite notamment de devoir faire appel à des entreprises qui commercialisent des insectes auxiliaires pour orchestrer une lutte biologique qui devrait se faire naturellement. Cela peut paraitre surprenant, mais les insectes se vendent également au même titre que les produits phytosanitaires ! On a tous en tête la très green « ferme aux insectes » de Savéol, qui trouve même le moyen de marchandiser la nature. Nous n’avons pas réussi à remettre la main sur cette affiche de publicité que nous avions vu en magasin agricole et qui nous avait quelque peu dérangé : une photo géante de bourdon annotée de la légende suivante « Ceci n’est pas un bourdon, c’est… (la marque du produit) ».


Même si c’est toujours moins nocif d’acheter des insectes prédateurs que des insecticides chimiques, nous ne nous retrouvons pas dans cette vision du métier et de la nature un peu simpliste, qui implique encore et toujours l’achat d’intrants extérieurs à la ferme (coûteux !) et ne favorise pas l’autonomie du paysan dans ses pratiques. Nous préférons « investir » sur la durée en favorisant la biodiversité locale pour que s’installent des écosystèmes stables et pérennes.

Edito
Pour la rentrée de notre chronique « édito », nous choisissons l’option rentrée littéraire, en vous présentant un livre sorti depuis peu et dont nous avons eu la chance d’avoir la présentation par ses auteurs au cours d’un marché paysan cet été.
« Reprendre la terre aux machines » a été écrit par le collectif l’Atelier Paysan, qui est une coopérative qui accompagne les agriculteurs et agricultrices dans l’auto-construction de leur outil de travail (matériel et bâtiments agricoles).
L’idée est de proposer des technologies appropriables aux paysans, reproductibles sans licences, et réparables. L’objectif est de tourner résolument le dos au high-tech et de viser le low-tech, pour favoriser l’autonomie des paysans. Nous avons, à titre personnel, participé à des formations dispensées par l’Atelier paysan, pour apprendre les bases de la soudure ou de l’entretien du tracteur.
La lecture de cet ouvrage nous a quelque peu bousculés, et c’était bien le but des auteurs, qui font le constat que les alternatives paysannes, aussi riches et indispensables soient-elles, s’avèrent totalement inoffensives face au complexe agro-industriel, plus prédateur que jamais. A titre d’exemple, quelques chiffres en vrac: les quantités de pesticides épandues n’ont pas diminué depuis 10 ans, leurs ventes ont au contraire augmenté de 22% entre 2009 et 2018. Le nombre de fermes qui ont été créés grâce à la super association « Terre de liens » en 2020 est équivalent au nombre de fermes qui disparait en seulement une semaine en France.
Le constat n’est pas qu’il faut abandonner les efforts, mais bien qu’il s’agit d’être conscient de la portée limitée de l’action individuelle, et de réclamer d’avantage à l’échelon collectif/politique. Ces alternatives doivent s’inscrire dans un projet politique déterminé à rompre avec les logiques de marché et de technologisation. C’est ce que des collectifs paysans comme le CIVAM ou la Confédération paysanne s’emploient à faire.

Voilà la quatrième de couverture du livre, que nous vous recommandons !
Le temps joue pour nous : les AMAP, la Bio et les circuits courts apparaissent de plus en plus dans les médias comme dans nos assiettes – l’opinion publique est acquise. Si chaque consommateur change ses habitudes alimentaires, si chaque agriculteur se forme à l’agroécologie, alors la victoire est au bout de la fourchette.
Ceci est une fable.
L’appel à la responsabilité individuelle, ce « chacun doit faire sa part », ne mettra jamais fin au modèle alimentaire industriel et marchand. Celui-ci est une machine à produire artificiellement au moindre coût, une machine à confisquer les savoirs et savoir-faire, à enrichir les industries technologiques, à déshumaniser.
Il est temps d’échapper à notre enfermement dans les niches d’un marché alimentaire réservé aux classes aisées et de reprendre entièrement la terre aux machines. Ce manifeste propose de sérieuses pistes de rupture.
A-benn ar wech all evit keloù all ! A bientôt pour la nouvelle gazette !
Un grand merci à vous deux d’apporter autant de précisions sur votre travail, de l’expliquer avec une clarté appréciable, accompagnée de bonne humeur… et aussi de jolies photos. 🙂