Gazette d’avril – Mai 2022

Les travaux du moment a la ferme

Nous y voilà, dans le dur ! La période décidément la plus intense de l’année en terme de diversité et rapidité des tâches à effectuer, et surtout en terme de charge mentale. Mais c’est la période qui est aussi la plus prometteuse, et qui récompense les efforts de début de printemps: légumes qui poussent (presque) à vue d’œil, champs remplis de fleurs, étal de marché qui se remplit de couleurs.

Dans le détail, qu’avons-nous donc semé et planté lors des deux derniers mois?

Nous avons semé les salades, les choux, de nouvelles séries de panais, de carottes, et de radis et les betteraves.

Dans la foulée nous avons planté les petits pois et haricots extérieurs, les céleris, tous les légumes d’été n’ayant pas encore été installés (tomates, melons, poivrons, pastèques, aubergines, haricots grimpants, patates douces, courgettes), et les premiers légumes de l’automne (courges et pommes de terre).

Thibault le « serial motteur »
Plantation de concombres parmi le mesclun
Plantation de patates avec Audrey

Tous les jours la pépinière se désengorge petit à petit, et l’on a hâte du moment (OUF) où tout sera en place et où on pourra se consacrer quasi exclusivement au désherbage quotidien et aux premières grosses récoltes.

En parlant de désherbage, celui-ci occupe déjà une bonne partie de notre temps, et nous sommes repartis dans l’éternel cycle de la lutte pour la survie des carottes. Un désherbage manuel, hop on remet le voile, et à peine quelques jours plus tard (bon, ce n’est qu’une impression, en réalité 15 jours plus tard…) il faut recommencer ! Pourquoi tant d’ingratitude? Et bien parce que notre super itinéraire technique théorique n’a pas fonctionné. On avait préparé le sol il y a bien longtemps en sortie d’hiver et mis une bâche noire d’occultation dessus pour tuer les mauvaises herbes. Mais surprise en débâchant pour semer les carottes début avril: en dessous, tout était recouvert d’affreux chardons tout pâles qui ont survécu au bâchage. Conclusion, gros chantier d’arrachage de ces maudits végétaux récalcitrants… et on se rend à l’évidence qu’il faut retravailler le sol en surface car on a tout bien piétiné. La banque de graines est réveillée, et tout l’intérêt de l’occultation est perdu ^^ Voilà pourquoi nous passons des après-midi entiers penchés sur nos rangs de carottes.

Et tour de rota, 2ème édition !

En cette saison il reste encore des chantier d’épandage de fumier sur les jardins de courges, de choux et de poireaux. Nous sommes assez fiers d’avoir mis en œuvre une nouvelle technique qui nous permet d’économiser nos efforts de manière significative (les dos de futur-Yann et future-Anne de 50 ans nous disent « merci »). Désormais nous n’épandons plus le fumier à la fourche, mais nous chargeons la benette, nous lançons le tracteur en vitesse très lente sur une ligne droite dans le jardin, et nous restons tous deux derrière à faire tomber le fumier par morceaux à l’aide d’un croc. Bon, on a quelque fois des petits moments de stress (« on part à dreuz va tourner le volant! ») mais globalement le résultat est satisfaisant. Désolés de ne pas avoir de photo cocasse à vous présenter, nous deux derrière un tracteur fantôme avançant seul dans la parcelle…

La gestion de l’arrosage occupe également une grande partie de notre temps. Le temps désespéramment sec nous oblige à déplacer constamment nos lignes d’arrosage pour couvrir la totalité de nos jeunes plantations extérieures. Le temps beau et sec que l’on a pu avoir en avril a eu un effet boost sur plusieurs légumes: petits pois, pois mange-tout et fèves ont donné énormément mais sur un laps de temps très court… On n’a jamais vu une production si ramassée dans le temps.

Entre dans le tunnel si tu l’oses…

La contrepartie plus joyeuse, c’est que les cultures d’été ont pris pas mal d’avance… Dès mi-mai les concombres sont arrivés sur notre étal, et on peut affirmer sans trop de risque que les premières tomates arriveront avant fin juin. Presque un mois d’avance sur l’an dernier!! On a aussi vu pousser à vue d’œil les haricots des serres, pour arriver très vite à un genre de jungle exotique…

« Oh ! Un orang-outang ! »

Pour finir sur les petits aléas météo, les récentes nuits fraîches (très, très fraîches même) ont cramé nos plants de courgettes plantés peu avant. Il nous faut donc remplacer les plants déséchés et on espère que la production ne prendra pas trop de retard.

Et maintenant, le point biodiversité ! Les nichées d’oiseaux nous offrent de belles visions à Kergwenn. Nous avons eu la chance pendant quelques jours d’assister au ballet incessant des hirondelles de fenêtre au dessus de notre mare: elles venaient prélever de la boue pour construire leurs nids quelques centaines de mètres plus loin dans le bourg. Nous sommes bien contents de voir que notre mare constitue à leur yeux un point d’eau attrayant. Elle accueille également des couples de libellules qui viennent s’y reproduire et pondre. Plusieurs libellules sont même sorties de leur exuvie (mue) devant nos yeux ébahis 🙂

L’Anax empereur vient de naitre

Enfin, le moment tant attendu est arrivé au poulailler: une poule est en train de couver! Cela fait maintenant 15 jours qu’elle tient son poste, plus que 5 normalement pour savoir si la couvée va arriver à terme. A nous la tripotée de petits poussins ! Nous sommes agréablement surpris car nous avions commencé à acquérir des poules d’autres races au sein du groupe, afin d’être surs d’avoir au moins quelques individus pouvant porter à terme une couvée. En effet, les poules rousses ont été sélectionnées pour leur taux de ponte très élevé et ont quelque peu perdu leur instinct maternel, très peu d’entre elles se mettent à couver. On a donc eu de la chance avec celle-là !

Les legumes du mois

Légumes sur notre étal en ce moment :

  • Salades
  • Mesclun
  • Coriandre/ persil botte
  • Oignons blancs bottes
  • Betteraves bottes
  • Épinards
  • Haricots verts
  • Derniers pois/ petits pois mange-tout
  • Radis
  • Pommes de terre primeur
  • Courgettes
  • Concombres

Légumes à venir:

  • Tomates !

Petit point Agri-culture

Bon, il y a peu de chances que vous soyez passé.e.s à côté vu le buzz médiatique que cela a créé mais au cas où, voici ICI le lien vers une vidéo où l’on voit le discours de jeunes ingé agro diplômés cette année à AgroParisTech (la crème de la crème des écoles d’ingénieur.e.s agro).

Vous découvrirez que tout cela se passe de commentaires. Ils et elles sont décidément bien plus conscients que nous l’étions au même âge, ces jeunes. Bravo à eux et bravo à l’écho que cela suscite. Ces témoignages trouvent écho dans notre parcours puisque nous aussi, fraîchement diplômés il y a 10 ans, nous avons fait partie de ceux qui « ont compté des grenouilles et autres bestioles avant que tout soit coulé dans le béton ».

Edito

Dans cette rubrique, nous souhaitons exprimer des avis personnels en lien avec notre métier d’agriculteur, ou faire des petits zooms sur l’actualité de l’agriculture.

Ce mois-ci nous voulions vous parler de ces différentes appellations ou précisions qui fleurissent autour des produits agricoles vendus sur les marchés/supermarchés/restauration…etc. Elles sont parfois trompeuses, et tout ceci est bien étudié pour rassurer le consommateur. Nous parlons par exemple de la mention « sans résidus de pesticides » ou bien « agriculture raisonnée » ou encore « de pleine terre » ou bien la célèbre « fraise de Plougastel »

Commençons par cette dernière. Rien de trompeur dans l’appellation « Fraise de Plougastel ». Ce fruit est réputé en France et on ne compte plus les « Regarde, j’ai pris des fraises pour le dessert, des fraises…de Plougastel! » que l’on peut entendre partout. Mais allons voir de plus près ce qui se cache derrière cette appellation.

Nous est donné le lieu de culture, soit: Plougastel, du côté de Brest, en Finistère. Mais à part cela, rien d’autre. La communication officielle du groupe Savéol est la suivante: « Engagés au service de la qualité et du goût, les maraîchers Savéol cultivent principalement leurs plants de fraises à Plougastel et de manière raisonnée. Cueillies à maturité les fraises Savéol bénéficient de toutes les attentions et d’un conditionnement manuel. Cette récolte permet aux fraises gariguette d’avoir une chair juteuse et fondante. » C’est un superbe exemple de communication….qui ne dit rien aux consommateurs mais surtout qui nous cache beaucoup.

Tout d’abord, « de manière raisonnée » n’est pas un label et ne veut rien dire puisque n’engage rien de la part du producteur. Ce terme est assez drôle en plus car cela dirait qu’il existe une culture non-raisonnée ou irraisonnée. Chaque agriculteur ou agricultrice « raisonne » sa manière de produire, ses choix. On peut tout à fait raisonner sa production en la bombardant de produits phytosanitaires tout au long du cycle de production… Ensuite « cueillies à maturité » est une précision qui nous fait sourire…. c’est vrai que c’est courant de cueillir les légumes/fruits quand ils ne sont pas mûrs! Quelle chance avons-nous de manger des fruits mûrs, merci Savéol 😉 Enfin, le fruit miracle nous est vendu comme ayant bénéficié de « toutes les attentions et d’un conditionnement manuel ». Nous pouvons facilement comprendre le discours marketing du « prendre soin » à noter que le « conditionnement manuel » est une trouvaille: quelque chose de manuel renvoie tout de suite dans nos cerveaux à quelque chose d’artisanal voire de traditionnel. Mais c’est bien une autre réalité qu’il faut s’imaginer: un conditionnement sur une chaîne de production industrielle, en cadence et on peut supposer en trois 8. Sur le bassin de Plougastel 2000 à 3000 tonnes de fraises sont produites chaque année, l’écrasante majorité de celles-ci proviennent des serres chauffées hors sol où les fraises sont cultivées suspendues à des sacs de terreau, sans lien aucun à la terre et donc au terroir de Plougastel. Ce pourrait être les fraises de Quimper, de Rennes, de Royan, de….bref, vous aurez compris! Pour plus de précisions et afin de mieux cerner le problème, vous pouvez cet article de Reporterre évoquant le sujet .

La mention pleine terre est pour nous la base, c’est un pléonasme. Préciser cette caractéristique c’est avouer à demi-mot qu’il existe autre chose, et que la culture de légumes ou de fruits de pleine terre est un gage exceptionnel de qualité. Nous refusons cette mode et nous refusons de voir un monde se peupler de ces termes marketing. Vous ne verrez jamais écrit sur nos étals « haricots verts cueillis avec nos mains pendant plusieurs heures et que ça fait mal au dos et que le soleil il tape fort sur la tête » parce que c’est notre métier et que des générations et des générations l’ont fait avant nous. Cela fait partie de la vie!

A-benn ar wech all evit keloù all ! A bientôt pour la nouvelle gazette !

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