Les travaux du moment a la ferme
Déjà la fin du mois de janvier et nous nous rendons compte que nous sommes en retard sur la rédaction de notre gazette… erreur à réparer au plus vite!
Ces deux mois d’hiver nous ont d’abord permis de ralentir un peu le rythme à la ferme, et de prendre des vacances! Nous avons ainsi pris deux semaines de pause à Noël, c’est pourquoi vous ne nous avez pas vus au marché le 24 ni le 31. La trêve hivernale de la nature permet de prendre un bon bol d’air pour revenir l’esprit plus au clair.
Car dès début janvier, il faut commencer à programmer et à lancer la saison suivante.
Cela commence par des longues sessions de planification devant l’ordinateur. Planification spatiale des cultures, des rotations sous serres et en plein champ, discussions autour des légumes à cultiver au cours de l’année, itinéraires techniques à reconduire, erreurs à ne pas reproduire, etc. Planification temporelle aussi: noter et planifier par légume, la préparation du sol, le semis, la plantation. Et pour finir, commande des graines chez des semenciers (nous travaillons principalement avec Agrosemens) et de quelques plants. Nous avons d’ailleurs récemment participé à une formation pour passer sous un logiciel libre pour faire cette planification, et nous simplifier le travail (jusqu’ici, nous utilisions un tableau excel maison bien chargé). En maraîchage diversifié avec une quarantaine de légumes sur l’année, cela représente une bonne session de travail, et parfois de nœuds au cerveau!
Dans la partie « Agri-culture » nous vous donnons un aperçu du travail de planification avec l’exemple de l’itinéraire technique de la carotte. Légume emblématique de l’hiver s’il en est. Et oui, dès janvier on doit se projeter jusqu’aux travaux de l’hiver prochain, ce qui donne parfois le tournis. « Le temps passe trop vite, ma brav’ dame! »
Une fois revenus au champ début janvier: on commence les gros travaux de préparation des futures parcelles! ça tombe bien, car il faut se réchauffer avec les températures glaçantes qu’on a eu.
On reprend le travail là où on l’avait laissé dans les serres. A l’automne, on avait semé l’engrais vert après nos cultures d’été. Il a donc fallu les détruire (à la faux, car sur des petites surfaces il n’est pas nécessaire de motoriser le travail) et occulter le tout sous bâche pour achever de le détruire et commencer à le composter.
En début janvier, juste avant de bâcher, on épand du calcaire sur le sol.
Cela a pour but de corriger l’acidité du sol: nos terres en Bretagne sont par nature acides car ayant une base granitique, et la culture des légumes accentue encore cette acidité. On compense donc avec du calcaire marin, ça fonctionnerait aussi avec du calcaire terrestre de carrières mais malheureusement nous sommes un peu loin pour que ce soit rentable d’en faire venir un camion.
Sur d’autres planches de culture, on rajoute du compost de déchets verts provenant de la déchetterie de Lézinadou à la Torche. Ce compost a pour but d’améliorer la structure du sol (notre sol est argileux et parfois un peu lourd). On peut même cultiver directement sur ce substrat, c’est ce qui se pratique beaucoup dans une méthode en vogue dans le métier qui s’appelle le « maraichage sur sol vivant« .
Cette année, nous essayons de cultiver nos carottes primeur sur compost. Celui-ci ayant fermenté (température atteignant près de 90°C), il est exempt de mauvaises herbes, ce qui est tout bénéf’ pour faire pousser des carottes. L’épandage de compost tout fumant sur les planches offre un beau spectacle!
Les deux années précédentes, nos carottes primeur n’ont jamais abouti… un premier compost trop grossier couplé à un manque d’arrosage, des graines trop vieilles l’année suivante. Bref!
Cette année nous espérons vraiment pouvoir vous poster prochainement une photo des belles petites lignes de carottes…
Nous avons également reçu notre livraison annuelle de fumier pailleux, en provenance de la ferme d’Alexis Plouzennec au Runniat. Nous allons le laisser composter quelque temps avant de pouvoir en nourrir notre sol. Il est tout beau et nous sommes devant notre tas de fumier comme des enfants devant le sapin de Noël. Drôle de métier d’être maraicher quand même 😉
Nous avons également réalisé notre toute première plantation de l’année: les patates primeurs sous abri (avaloù-douar nevez!). Il nous faudra être vigilants lorsque les plants sortiront: suivre les températures, et bien couvrir d’un voile de chaleur (P17) en cas de nuitées fraîches. 4 lignes de 32m, pour espérer pouvoir en vendre dès mi-avril !
En début d’année, nous commençons à faire certains plants, et en recevons d’autres qui ont été semés dès décembre sur plaque chauffante. Nous travaillons pour l’instant avec le lycée de l’Aulne pour nous procurer ces plants. Ainsi, sont arrivés dans notre pépinière les tout jeunes oignons blancs et navets nouveaux. Et de notre côté nous avons semé une autre série de navets, des choux rave, et des petits pois. La pépinière retrouve de la couleur verte, c’est reparti !
Enfin, l’hiver nous poursuivons le bricolage que nous n’avons pas le temps de faire durant l’année. Par exemple: bricolage sur notre table chauffante qui a eu la bonne idée de nous lâcher au moment de son branchement, ou construction d’un bac pour les plantes aromatiques.
Les legumes du mois
Cette rubrique est vide pour ce mois-ci, car nous avons mis en pause nos ventes la semaine dernière.
En effet nous avons réussi à écouler quasiment tous nos légumes d’hiver au champ, et tous nos légumes stockés en container.
Reprise des ventes en avril dès que les primeurs seront prêts !
Agri-culture
Pour vous rendre compte d’en quoi consiste le travail de planification, l’exemple de la carotte de conservation!
Nous prévoyons 4 séries successives de semis: en semaine 15 (mi-mai, et oui en maraichage on parle en semaine), 17, 20 et 24 (nous voilà rendus mi-juin).
A chaque fois nous semons 8 lignes de 32 m ce qui fait 32 lignes au total… soit 46 000 graines à commander !
Pour la carotte, le sol doit être préparé finement au rotavator afin de pouvoir semer directement au semoir. Le passage de cet outil doit donc être planifié… mais auparavant, il nous faut compter un ou plusieurs passages de vibroculteur qui décompactera la terre en profondeur. Cela nous amène à 3 semaines avant le semis. Mais, oups, il faut encore remonter le temps et ne pas oublier de détruire l’engrais vert qui occupait la future parcelle de carotte. DONC pour un semis en mi-avril, il faut détruire l’engrais vert en début mars, passer le vibroculteur plusieurs fois et le rotavator.
Puis bâcher le sol en mi-mars afin de faire pousser puis tuer les mauvaises herbes qui se plairont dans ce sol fin. C’est ce qu’on appelle le désherbage par « occultation ». Toutes ces étapes sont à noter dans notre agenda prévisionnel. On comprend aisément que pour les mois les plus « chargés » en opérations culturales (de mars à juin) les pages sont parfois trop petites pour noter toutes les choses à faire. Ce sont les mois dont les pages font peur à regarder !
Il ne reste plus qu’à semer les carottes, les voiler lorsqu’elles sont sorties de terre (gare à la mouche de la carotte), et surtout les désherber régulièrement à la main !
Récapitulatif de l’itinéraire technique:
- S9: destruction de l’engrais vert avec le broyeur / le rotavateur
- S10 et S11: passages de vibroculteur
- S12: passage de rota, pause de bâche pour occulter
- S15: semis série 1 carottes en débâchant au fur et à mesure
- S17: semis série 2 carottes
- S18: désherbage série 1
- S20: semis série 3 carottes + désherbage série 2, et 2ème désherbage série 1
- S24: semis série 4 carottes
- … etc etc, encore et toujours des désherbages !
ça, c’est l’itinéraire « théorique ». Mais les opérations culturales peuvent vite être décalées aux semaines suivantes lorsqu’il y a des imprévus (retard accumulé dans la semaine, mauvais temps nous empêchant de passer les outils tractés, etc.). C’est là que ça devient franchement sport dans l’agenda plein de ratures !!
EDITO
Dans cette rubrique, nous souhaitons exprimer des avis personnels en lien avec notre métier d’agriculteur, ou faire des petits zooms sur l’actualité de l’agriculture.
Ce mois-ci, nous vous expliquons un peu ce que nous faisons dans nos engagements associatifs et syndical. Au sein du CIVAM (le lien pour ceux qui ne voient pas ce que c’est), nous suivons notamment l’évolution des politiques agricoles qui concernent l’installation et la transmission des fermes. Et cette année, il y a du mouvement!
Car, ce n’est pas faute de la répéter: on ne compte aujourd’hui qu’1 installation agricole pour 3 départs à la retraite… Et si on vise une alimentation de qualité accessible à toutes et à tous, ce qui est loin d’être le cas en France, il faut inverser la tendance! Petit chiffre en passant, il y a moins de 300 000 agriculteurs/agricultrices aujourd’hui en France. Il y en a qui se sont amusés à calculer combien il faudrait que nous soyons pour assurer une alimentation de qualité, sans pesticides, accessible à toutes/tous: 6 millions! Soit revenir quasiment au ratio d’1 actif sur 10, ce qui correspond à revaloriser le secteur primaire, pas exactement un critère de « pays développé » pour beaucoup, et pourtant…
L’installation agricole nécessite bien entendu du foncier. Pour pouvoir travailler une terre en toute légalité, il faut:
- l’accord d’un bailleur (si location) ou titre de propriété valide (si propriété), ET
- Une « autorisation d’exploiter » délivrée par les services de l’état dans les départements (DDTM du Finistère)
L’obtention de cette autorisation d’exploiter est soumise à un Schéma Directeur Régional Directeur des Exploitations Agricoles (SDREA). Celui-ci détermine différentes catégories de priorités suivant des critères variés fonctionnant en arborescence (parcelle à proximité du bâtiment d’élevage du demandeur, réinstallation d’agriculteur ayant perdu 2/3 de son exploitation, jeune installé etc…). Ces critères et l’ordre des priorités ont été construits à coups de longues sessions de travail entre représentants de l’état et des différents acteurs du monde agricole en Chambre d’Agriculture Régionale. Ce SDREA est actuellement en révision, et via nos structures professionnelles, nous y prenons part. La façon dont il sera construit déterminera le visage de l’installation agricole future: la priorité à l’installation d’un.e nouvel.le agriculteur/trice restera-t-elle seulement en position 4 comme actuellement? Nous verrons cela au cours de l’été 2023, c’est dans ce sens-là que nous aimerions que les choses évoluent…. Affaire à suivre.
Autre aspect de l’installation déterminant la facilité d’installation des porteurs de projet agricoles: la Dotation Jeune Agriculteur, qui soutient l’installation des candidat.e.s à l’installation de moins de 40 ans. Ces dossiers, comportant des bonus selon les caractéristiques du projet (agriculture biologique, vente directe, etc…) étaient jusqu’ici gérés par les services de l’état au niveau des départements (DDTM29). Il seront dès le 1er avril, étudiés et arbitrés par les services de la région Bretagne. Ce changement a nécessité beaucoup de réunions auxquelles nous avons participé plus ou moins directement. Et le tout n’est pas encore calé. Les discussions sont encore à l’œuvre pour déterminer ce qui sera demandé aux porteurs de projets souhaitant cette aide (dossier administratif, plan d’entreprise, de formations,…) mais aussi quelles en seraient les modalités de contrôle.
Toutes ces évolutions réglementaires ne font pas beaucoup de bruit médiatique et se jouent dans le cercle restreint du monde agricole et politique, pourtant leurs conséquences nous concerneront toutes et tous : quels seront demain les paysans présents dans les campagnes, comment vivront-ils, comment ils contribueront à (re)mettre de la vie dans les territoires…ou pas !
A-benn ar wech all evit keloù all ! A bientôt pour la nouvelle gazette !